Matin noir

Il pleut sur son café qu’elle touille brusquement
éclaboussant la nappe du ressac d’une nuit blanche
tandis que son regard divague cherchant dans le jour
le soleil qui tarde à se lever, viendra-t-il à temps
soutenir la tête nichée dans la paume de sa main,
remplacer l’odeur du pain qu’il faisait griller après avoir mis
le beurre sur la table comme un baiser dans son cou ?
C’est une odeur qui manque à sa mémoire
rien qu’une odeur qui habiterait son corps
irriguerait ses veines, ses seins, ses yeux, mais voilà
elle reste désertée, nue et tremblante devant un bol abyssal
ses lèvres violacées se refusent à la chaleur préférant le silence
glacial et scellé des échoués qui contemplent la vie
depuis la rive d’en face, derrière une fenêtre close
Elle croyait en l’amour comme on croit en une religion
mais dieu s’est effondré, dieu n’existe pas, « dieu n’a jamais existé ! »
remuant toujours plus vite la marée noire
qui maintenant se déverse sur ses cuisses bleuies


Matin noir extrait du recueil L’amour, sans une aile


Il y a un poème à faire sur l’oiseau qui n’a qu’une aile

Guillaume Apollinaire

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